Le réel n’étant pas spectaculaire, nous nous racontons des histoires

Depuis quelques mois, nous nous laissons divertir, comme à l’accoutumée, par des buzzwords : grande démission, quiet quitting… Les articles pilules, les « experts » rivalisent d’expertises, le débat fait rage.

Eureka !
Nous venons de découvrir qu’un travailleur peut démissionner lorsque son travail devient une exigence insupportable sur son existence ou à défaut de sauter le pas (il faut bien gagner sa vie), en guise de stratégie d’acteur, il décide de faire le minimum pour préserver tant soit peu sa santé psychique et physique. Quelles découvertes!

Ce qui réveille l’esprit est aussi ce qui l’endort, nous finissons par oublier l’essentiel : les signes avant-coureurs d’une stasis organisationnelle (une sécession symbolique) :

1.    L’impossibilité, dans les faits, de faire passer le travailleur de « ressource » à « acteur » nonobstant les discours « humanistes ». Comme disait Musil, on continue d’agir en commerçant et de parler en idéaliste.

2.    Le culte de la répétabilité et de l’univocité qui annihile toute compréhension de l’action collective et du travail réel malgré les discours sur la coopération

3.    Une souveraineté managériale assumée sans partage par une seule et même partie prenante au sein des organisations nonobstant l’emphase sur les missions de l’entreprise

4.     Le réflexe pavlovien consistant à « traiter » les hommes en lieu et place du « travail » tout en érigeant parallèlement la bienveillance comme philosophie

5.    Une phraséologie managériale et une tyrannie des phrases creuses qui finissent par engendrer, dans le meilleur des cas, du cynisme

6.    Un processus de journalisation de la pensée, pour reprendre l’expression de Bouveresse, qui fait que les vertus d’hier comme la constance dans les idées, le respect des promesses tenues… n’ont plus aucune réalité dans beaucoup d’organisations.

L’exorcisme langagier, friand de buzzwords, est inopérant pour traiter les vrais maux des organisations. Une mobilisation des entreprises, des chercheurs, des consultants, des pouvoirs publics et un sérieux travail de fond sont nécessaires pour traiter les problèmes constitutifs de l’action collective telle qu’elle est appréhendée et vécue aujourd’hui.

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