Hommage à un soldat inconnu tombé au champ de bataille de la connaissance et du management soutenable.

« Ma pratique de consultant est fortement marquée par ma formation d’origine, je suis convaincu que les mots ont un sens et qu’on ne peut pas dire n’importe quoi, je ne crois pas aux recettes et aux méthodes toutes faites, suis partisan des méthodologies rigoureuses et j’ai toujours la naïveté de croire qu’un problème bien posé est à moitié résolu. Bref, je préfère les bonnes questions aux bonnes réponses!
… Depuis cinq ans, je n’arrive d’ailleurs plus à suivre tant les publications sont nombreuses. Mais combien d’idées nouvelles ? Aujourd’hui, je suis pleinement satisfait lorsque je trouve au moins une idée dans un livre de management. Les modes managériales se succèdent à un rythme effréné, les salons se multiplient et il y aura bientôt plusieurs « collections » par an. Mais ce qu’on nous fait passer pour de la haute couture n’est bien souvent que du prêt-à-porter. Le prêt-à-penser managériale fait ainsi des ravages dans nos entreprises ».

Ces mots qui auraient pu être les miens sont de Jacques Le Moüel, dans son ouvrage « Critique de l’efficacité », c’était il y a 33 ans.
33 ans plus tard, pas une ligne à retirer dans ces propos. Les livres de management pullulent mais les idées nouvelles, depuis plus de 30 ans, se comptent sur les doigts d’une main.

La « nulliture » managériale est certes de plus en plus maquillée en plats gastronomiques mais nous pouvons dire, avec le mathématicien et philosophe Gilles Châtelet dont on connaissait le sens de la formule, « qu’on mange du différent pour chier du même ».
Ce même : c’est le taylorisme new age, adepte du transformisme mais dont les officiers supérieurs (certains consultants et chercheurs) n’ont toujours pas compris que « les reformés » (ceux qui font le travail au plus près du terrain) en savent plus, sur bien des aspects, que les réformateurs, c’est à dire ceux qui pensent le travail qu’avec des formules.

Loin de moi tout populisme managérial, mais nous ne pourrons aborder la complexité croissante des situations de travail avec succès qu’en mobilisant les énergies de l’ensemble des parties prenantes à l’action collective afin d’ajuster les perspectives et poser les bases d’une performance soutenable.
Sans cela, le taylorisme new age produira toujours des fruits mais des fruits secs qui ne sont qu’investissements dans la déception. L’ersatz de responsabilité, ce qu’il est convenu d’appeler la RSE, ne nous sauvera pas.

Voilà une décision totalement anachronique (voir lien ci-après) : Le concours des écoles d’ingénieurs postbac Puissance Alpha supprime l’épreuve de français jugée « trop anxiogène». Parler, c’est penser! S’exprimer avec les justes mots, c’est savoir nuancer, savoir, comme disait Jacques Bouveresse, voir des abîmes là où sont les lieux communs. Cette propension à vouloir partout éliminer tout ce qui peut paraître « théorique » de notre existence est une vue de l’esprit car ce n’est que faire tabula rasa pour le culte des apparences, de la fausseté donc de la mauvaise théorie. La campagne de dénigrement contre « la théorie » commence à porter l’estocade et à obtenir des victoires réelles et symboliques grâce à une méconnaissance profonde des mécanismes de la pensée. On ne pense pas avec des cailloux mais avec des concepts et des notions. La théorie ne s’oppose pas à la pratique mais elle la suppose. Cette maladie française consistant, pour être dans le vent (c’est à dire pour être estampillé « pragmatique ») à partout traquer la théorie n’est que, dans le meilleur des cas, l’expression d’une confusion morbidifique entre le théorique et le platonique. Le théorique n’est pas platonique. Loin s’en faut. La théorie permet de lever le voile des apparences et de ne pas tarir les sources de la vie partout où sont des mécanismes, des techniques, des outils… Impossible de penser la vie sans prendre en compte la vie et sa complexité. Au moment où l’intelligence artificielle monte en puissance, vouloir de fait la concurrencer en formant des esprits serviles dopés au réalisme le plus grégaire, c’est investir dans la déception car le réaliste de talent disait Maupassant n’est qu’un illusionniste ! Nous travaillons donc assidûment à notre malheur. Construire la capacité à s’orienter dans la pensée et dans l’action c’est à dire l’aptitude à faire des jugements corrects est le premier défi de l’éducation de l’Homme : citoyen, ingénieur, manager, peintre, poète… Ce fut le cas dans le passé, cela le sera encore demain. Auguste Detoeuf, polytechnicien et fondateur l’Alstom doit se retourner dans sa tombe. Non seulement il aimait les mots et en jouait mais il pensait que la culture classique devait être un prérequis pour tout ingénieur : «… l’éducation scientifique doit être le fond même de la formation de l’industriel. Mais elle a besoin d’un correctif, d’un principe équilibrant, que seule peut donner l’éducation classique… La méthode scientifique annule toutes les nuances et crée partout des différences tranchées; la souplesse infinie de la vie lui échappe et, pour celui qui ne connaît qu’elle et qui est dominé par elle, au lieu de se subordonner à cette souplesse, de tâcher de s’y adapter tant bien que mal, elle la veut réduire et figer en formules. Rien n’est plus faux, pratiquement, ni plus dangereux. (Extrait, « pages retrouvées », Page 56) A bon entendeur salut ! Même ceux qui diront que tout cela est bien sûr … très théorique ;-). Les faits eux, sont têtus.

https://etudiant.lefigaro.fr/article/etudes/le-concours-des-ecoles-d-ingenieurs-puissance-alpha-annonce-ses-nouveautes-pour-2025-20241017/

Pourquoi les recettes managériales sont ineptes, inutiles et dangereuses ? Le problème des recettes en management est qu’elles se fondent sur une vision simpliste du réel avec comme postulat qu’il se répète, un regard tronqué des relations sociales qui fait fi des contextes sociaux et historiques. Les recettes managériales font aussi fi de l’essentiel et cela on en parle moins : il s’agit de la personne. Oui, on ne peut pas « établir l’universalité sur l’oubli de la personne ». Emmanuel Mounier (1905 – 1950) avait raison et les spécialistes du management, les consultants, les DRH, les directeurs de la transformation… devraient enfin l’écouter car les recettes en management qui nient de fait la personne et donc sa singularité ne peuvent produire que désolation, violence symbolique et non performance malgré le packaging « human friendly » de plus en plus « sophistiqué » pourrait-on dire. Cruelle realité. Cruelle paradoxe. C’est l’objet de ma nouvelle vidéo sur Xerfi.

Malgré tout ce qui se dit et s’écrit sur la « crise » du management, chacun y allant de son « analyse » et de ses « propositions » car s’agissant du management (comme dans un tout autre domaine, le football), tout le monde se pense « expert » : Pourquoi les « solutions » envisagées oscillent souvent entre l’incroyable et l’incompréhensible et donc peuvent parfaitement être pires que le mal à traiter ? Qu’est-ce qui explique ce paradoxe ? Comment faire pour s’en extraire et réellement réformer les pratiques ? C’est l’objet de ma nouvelle vidéo sur Xerfi Canal

Le management devenu un Empire pour reprendre la formule de Pierre Legendre, celui qu’on peut appeler le conseiller de l’Empire, le consultant en management, a t-il réellement conscience de sa grande responsabilité devant la société nonobstant les déclarations d’intention dont ses détracteurs se gaussent et souvent à juste titre ? Comment peut-il, concrètement, exercer une telle responsabilité dans son activité, qui n’est pas, par essence, une activité commerciale comme une autre car impactant la santé des travailleurs, la santé des entreprises et in fine, la santé de la nation ? N’est-il pas temps de faire le « ménage » dans ce secteur d’activité souvent secoué par des scandales et soumis à l’opprobre de l’opinion publique ? Si oui, sur quelles bases opérer cet ménage ? C’est l’objet de ma dernière vidéo chez Xerfi Canal

📽️📽️ « Démocratiser le management » était déjà le titre d’un ouvrage de l’ingénieur et syndicaliste Robert Thalvard en 1970, il y a donc plus de 50 ans, force est de constater que les avancées ne sont pas mirobolantes. Les tenants du statu quo ont de bonnes raisons de ne pas aimer une telle transformation car « seules sont injustes les inégalités dont on ne profite pas » (Elgozy). En attendant, les maux du travail n’attendent pas! Je pense que des choses peuvent être faites, hic et nunc, par le truchement d’une (re)connaissance du travail réel afin de poser, d’ailleurs, les graines d’une véritable démocratie par le bas car je ne crois, hélas pas, au grand soir de la démocratie dans les entreprises. C’est l’objet de ma dernière vidéo sur Xerfi.

Le management traverse au moins deux graves crises : une crise de l’autorité et une crise du rapport au réel qui sont à la source des maux dont il souffre : traitantisme, phraséologie, leadership du récit … Ces deux crises ne seront pas résolues par des injections « d’humanisme » c’est à dire comme dirait Jacques Ardoino un « ensemble de très belles leçons venues des Anciens, mais déjà figées, à l’état de « conserves culturelles » » mais par un retour du « sens de l’humain » qui, par contre, traverse les époques ! Difficile mais nécessaire ! C’est l’objet de ma dernière vidéo sur Xerfi Canal

Nous avons tendance, comme l’avait vu Bergson, à transposer dans le domaine de la création, ce qui relève du domaine de la fabrication, de la machinerie. Une des illustrations, c’est de considérer l’entreprise comme un ensemble de problèmes à résoudre et donc d’en faire un terreau exclusif du sacro-saint « probem solving ». L’intelligence ainsi mobilisée pour simplifier à l’excès le réel voire le camoufler, produit inexorablement des monstres, c’est à dire de faux problèmes, de fausses solutions et donc in fine, des obstacles durables pour une performance soutenable. C’est l’objet de ma dernière vidéo sur Xerfi Canal

Le management fait partie des domaines (peut-être avec le football en France et la politique) dans lesquels tout le monde se croit « expert » et donc habilité à transformer son opinion sur le sujet en doctrines ou en « lois », les réseaux sociaux aidant. Cependant, si tout le monde est expert, personne n’est expert, c’est de la dialectique élémentaire. Alors, pourquoi une telle vacance de l’autorité dans le management ? Avoir un cerveau ne fait pas de vous un expert du cerveau, tout le monde en conviendra. Avoir été manager ou managé n’est certainement pas suffisant pour faire de quiconque un expert du management, c’est un truisme de le dire. C’est l’objet de ma dernière vidéo sur Xerfi Canal