Qu’est-ce que nous apprend la mise en œuvre du pass sanitaire sur le management et l’entreprise en général ?

Il ne s’agit pas ici d’être pour ou contre le pass sanitaire, chaque citoyen se positionnera.

Ce qui est intéressant à analyser, c’est la dynamique, la métaphysique qui fait souvent plébisciter une solution technique.
Dennis Gabor, prix Nobel de physique en 1971 a verbalisé cette expansion quasi mystique de la technique. C’est la loi de Gabor.
Que dit cette loi ? Cette dernière stipule que tout ce qui est techniquement possible sera réalisé quel que soit le prix à payer. Jacques Ellul ira plus loin avec ce que j’appelle la loi Ellul : plus les problèmes sont pris au sérieux et donc à traiter d’urgence, plus la solution technique sera plébiscitée, plus on se désintéressera de ce qui ne l’est pas.
Ces deux lois sont valables en politique comme en entreprise.
 C’est ainsi qu’en entreprise, pour créer des liens entre les collaborateurs, on préférera organiser des séminaires de team building (balades en forêt, paint-ball…) au lieu d’instituer les conditions de la coopération sur la scène même du travail, tâche autrement plus difficile mais beaucoup plus « réaliste ». En effet, ces séminaires sont importants mais il est tout à fait illusoire de penser que les motivations d’un collectif de travail seraient extrinsèques au travail lui-même. Dans un autre registre, il est beaucoup plus facile d’administrer un questionnaire sur la qualité de vie au travail et d’en déduire des mesures en surplomb du travail que de travailler sur la qualité même du travail afin, qu’au-delà du baby-foot dans le couloir, les collaborateurs, malgré les contingences du réel, continuent à se reconnaître dans ce qu’ils font donc dans ce qu’ils sont (pas de bien-être sans bien faire comme le dit si bien Yves Clot). 
On peut aussi citer les reporting tous azimuts souvent préférés à la confiance (moins coûteuse mais bien plus difficile à instituer) qui ne donnent généralement qu’un sentiment de contrôle et qui finissent par emboliser la capacité à faire des managers en les éloignant du terrain.
On pourrait multiplier les exemples que ce soit en politique avec l’inflation législative (ex une loi par fait divers comme si une loi pouvait éduquer, soigner, accompagner…) ou en entreprise, avec la procéduralisation de tout ce qui peut l’être (le télétravail risque d’en faire les frais si l’on y prend pas garde, à lire : l’étude de Francois Dupuy sur le télétravail à l’ère du Covid).
La loi de Gabor et son corollaire la loi Ellul nous mettent en garde contre deux faits sociaux de notre temps : prendre les symptômes pour les causes, choisir la technique en lieu et place de l’organique par soucis d’efficacité hic et nunc. Ce sont toujours des victoires à la Pyrrhus en entreprise comme en politique car les faits sont têtus et le retour de bâton n’est jamais loin.  # solution technique

Une réponse sur “Qu’est-ce que nous apprend la mise en œuvre du pass sanitaire sur le management et l’entreprise en général ?”

  1. Merci Ibrahima pour cet article et ces lois qui s’appliquent malheureusement inlassablement…
    Cela me fait penser au « théâtre de l’hygiène » évoqué par Derek Thomson et repris dans l’Express par Albert Moukheiber à propos de notre manière de réagir à la crise sanitaire :
    https://lnkd.in/eZg9zEWg
    Ces mêmes lois produisent les mêmes effets dans les transformations en générant ce que je nommerai du coup par exemple « le théâtre de l’agilité » ou la ritualisation d’une agitation sans impact positif…

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