Marc Bloch en 1940 a passé en revue tous les poisons qui mènent à l’effondrement d’une organisation, à lire par tout manager!
Un étudiant en management ne croisera hélas pas le livre « L’étrange défaite » de Marc Bloch (1886-1944) dans son cursus pour cause de spécialisation. Officier et historien, il y analysa les raisons de la défaite de l’armée lors de la bataille de France pendant la seconde guerre.
Pourtant son « diagnostic organisationnel » dirait-on aujourd’hui, n’a pris aucune ride et semble étrangement décrire ce que nous pouvons aujourd’hui observer dans certaines organisations :
culte de la procédure, rivalités entre chefs, poids de la « politique », foisonnement des comités, lignes hiérarchiques qui diluent la responsabilité, strates organisationnelles qui agissent comme des « organes de retardement », enjambeurs qui méprisent le travail réel…
Extraits :
« on s’était habitué, dans les écoles du temps de paix, à accorder une foi excessive au thème de manœuvre, aux théories tactiques, au papier, en un mot, et à se persuader, inconsciemment, que tout se passerait comme il était écrit ».
« Attisées par les clientèles qui, fatalement, ourdissent autour de chaque « patron » tout un réseau de dévouements et d’intrigues, le déplorable foisonnement des organes du commandement ne leur avait que trop bien préparé le terrain. Avons-nous jamais compris, dans l’armée française, que plus l’ordre ou le renseignement ont à traverser de sédiments successifs, plus ils risquent de ne pas arriver à temps ; que, pis encore, là où le nombre de chefs superposés est trop grand, la responsabilité se dilue entre eux au point de cesser d’être vivement sentie par aucun ? Cette tare de notre bureaucratie militaire sévissait à tous les niveaux. J’ai déjà indiqué que si, dans le service de l’essence, nous avions observé, à la lettre, le règlement, un escalier à triple degré eût séparé, des exécutants, le représentant de l’Armée. Entre le commandant d’un régiment d’infanterie et la division, l’état-major de l’infanterie divisionnaire fait écran : « organe de retardement », disions-nous, au temps où j’étais moi-même fantassin ».
« Le 3e bureau, qui est l’asile des stratèges et que les mauvaises langues, chez nous, avaient surnommé le «trust des cerveaux », fait, ordinairement, figure de saint des saints. Fiers de leur rôle qui est, en effet, entre tous important et délicat, les officiers dont il se compose ne s’astreignent pas toujours à collaborer assez étroitement avec leurs camarades plus éloignés de la pure source de l’art militaire. Ils semblent, quelquefois, mépriser un peu trop des activités sans lesquelles cependant les plus belles flèches tracées sur la carte des opérations resteraient de vains signes ».
« …la peur des « histoires », le souci de diplomatie qui, chez des hommes en mal d’avancement devient une seconde nature, la peur de mécontenter un puissant d’aujourd’hui ou de demain ».
Les poisons de l’organisation semblent rester les mêmes!