Le manager n’est pas un meneur d’hommes ! Une chronique sur Xerfi canal)
La micrologie des faits managériaux : enseigner, pratiquer et réformer le management par le réel, au-delà des mots et des modes
Avec la crise du management, au-delà des constats que beaucoup peuvent partager, il faut agir. L’action se heurte néanmoins à un obstacle de taille : la « force intrinsèque des idées vraies » est certes nécessaire pour passer à l’action mais elle n’est pas suffisante. Toute action de transformation du réel dans et en dehors des organisations se heurte aux stratégies des acteurs qui découlent des contraintes et des ressources qui façonnent leur rapport au réel. D’ailleurs Freud pointait déjà la faiblesse de l’intellect, de la raison par rapport à la force des instincts.
Je ne crois donc pas à un « autre management » qui serait le produit d’un « alter management » comme ensemble de pratiques organisées en système malgré les formations en « alter management » qui voient le jour. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : penser le management comme un système, c’est inexorablement dériver vers un système de prescriptions qui ne peut contenir le réel (et c’est un euphémisme). Ce qui, volens nolens, aboutit à des dogmes, des clichés et des slogans qui sont in fine contreproductifs.
Comme le disent certains philosophes et historiens au sujet de l’histoire, je pense que le management qui ne dupe pas son monde ne se joue pas au centre (avec des théories générales) mais à la périphérie (au contact du travail réel). Pour le dire autrement, ce ne sont pas les grandes théories qui donnent le la en matière d’action collective ; les petites théories de la vie ordinaire dans les organisations sont d’une importance fondamentale. Je suis d’accord avec Bernard Charbonneau lorsqu’il dit que l’accent mis sur le tout l’est forcément aux dépens des parties. Cela s’applique aussi au management : l’accent mis sur les grandes philosophies gestionnaires, les grandes théories, l’est au dépens des « détails », des « exceptions » qui fondent le vécu des individus et donc leurs actions et du sens qu’ils donnent à ces actions.
C’est pourquoi, pour favoriser l’action en faveur d’un management « qui permet de mieux vivre », les « détails » managériaux doivent être pris au sérieux. En effet, comme l’avait bien vu Paul Valéry, « les petits faits inexpliqués contiennent toujours de quoi renverser toutes les explications des grands faits ». C’est pour cette raison que je pense qu’une micrologie des faits managériaux devrait être au centre des enseignements dans les formations en management. J’entends par fait managérial, toute action ordinaire dans une situation de travail qui implique des femmes et des hommes concourant à la production de biens et/ou de services. La micrologie des faits managériaux est ainsi une analyse des détails constitutifs des faits managériaux des situations de travail. Ces détails concourent, d’une part, au sens que peuvent donner les acteurs aux situations de travail et, d’autre part, façonnent les impacts et les types d’impact des actions sur l’ensemble des parties prenantes y compris sur l’écosystème dans son ensemble.
La micrologie des faits managériaux repose sur des connaissances dont une grande partie n’est pas issue des sciences de gestion mais sans laquelle toute tentative de compréhension des situations de travail ordinaires est vaine. Il s’agit de connaissances dans les domaines du langage, de l’histoire, de l’analyse de l’activité, de la logique, de l’épistémologie… qui permettent d’analyser et de comprendre les faits ordinaires du travail (dans les situations de travail) afin d’ébranler les certitudes et de nourrir la réflexivité nécessaire pour « obtenir le plus » en « sacrifiant le moins ».
Une telle micrologie des faits managériaux ne se décrète pas, elle doit reposer, dans les formations en management, sur un parcours pédagogique ordonné et permettant :
- Une connaissance des différentes théories de l’action collective : co-activité, collaboration, coopération… Pour chacune de ces formes d’action collective, l’objectif sera d’en dessiner les contours, les enjeux, les limites, les conditions de possibilité et les illustrer avec des exemples concrets.
- Une connaissance des enjeux du langage dans l’action collective, de l’analyse logique des propositions dans le discours, de l’analyse de l’activité pour comprendre l’intelligence pratique en œuvre dans la réalisation du travail et qui échappe aux prescriptions, …
- De penser, d’agir et d’entretenir les collectifs en fonction du sens construit par le truchement des différentes théories de l’action collective et des connaissances sur le langage, sur l’activité, sur la logique etc…
La micrologie des faits managériaux est ainsi une application concrète, au plus près du terrain de la « diplomatie des disciplines » que j’appelle de mes vœux. Ce n’est donc ni une diplomatie « de salon » c’est-à-dire une diplomatie « Ferrero » ni la chimérique « hybridation des disciplines » qui est une impasse logique. C’est une diplomatie concrète qui s’éprouve dans les situations de travail, une diplomatie « du grimpeur » c’est-à-dire une mise en action de « l’esprit de grimpeur » dont parlait Musil : le grimpeur sait plus que n’importe qui d’autre, c’est une question de vie ou de mort, que « le pied le plus sûr est toujours aussi le plus bas placé ». Concernant le travail, partir des faits, c’est le point de départ de toute réflexion qui implique la destinée de femmes et d’hommes dans ce que la vie a de plus banal et d’ordinaire. D’ailleurs Chomsky ne s’y est pas trompé lorsqu’il dit que « les affaires du monde sont banales : rien dans les sciences sociales ou dans l’histoire ou dans je ne sais quoi n’est au-dessus des capacités intellectuelles d’un jeune de quinze ans. Il faut travailler un peu, lire un peu, réfléchir – rien de très profond. […] L’idée qu’il faut posséder des qualifications spéciales pour parler des affaires du monde n’est qu’une escroquerie de plus ». Le message central que fait passer Chomsky dans ces quelques lignes s’applique au management qui n’est qu’une « des affaires banales » mais fondamentales du monde. Réformer le management nécessite donc de s’arc-bouter aux faits, aux détails qui constituent les faits, de « travailler un peu, lire un peu, réfléchir – rien de très profond » (notons que « travailler peu » pour Chomsky n’est pas « travailler peu » pour le commun des mortels). De tels conseils appliqués au management doivent se matérialiser dans les conditions de possibilité d’une micrologie des faits managériaux au plus près du terrain.
Pour ainsi dire, la réforme du management ne sera pas « télévisée » pour parler comme le romancier et poète Gilbert Scott-Heron, elle ne se fera pas dans les livres, dans les grands discours des sachants ni dans les « posts » plébiscités sur Linkedin mais dans le « terre-terre » du travail réel pour parler comme les argotiers d’aujourd’hui. Elle se fera par le biais d’acteurs (managers, consultants…) engagés dans la vie ordinaire des situations de travail, situations, par essence, diverses, complexes et difficilement modélisables. Pour parler comme Chomsky concernant la politique, il ne doit pas s’agir d’une nouvelle technique « pour faire croire à la population qu’elle ne sait rien, et qu’elle devrait rester en dehors de tout cela et laisser les types intelligents s’occuper de tout. Pour cela, il faut prétendre qu’il s’agit d’une sorte de discipline ésotérique et qu’il faut être docteur es quelque chose pour pouvoir en parler ». En politique comme en management, le concret des situations de vie ou de travail, ce sont de petites théories qui, a minima, complètent ou amendent les grandes théories.
La micrologie des faits managériaux a donc pour ambition de faire éclore un management « d’exception » dans le sens « musilien » du terme à savoir un management qui prend au sérieux les exceptions, le particulier c’est-à-dire ce qui ne se répète pas, qui pourtant existe mais échappe à tout pouvoir prescriptif et interroge les tensions donc l’efficacité d’une action collective. Un tel management « exceptionnel » ne peut advenir sans le souci du détail. Il ne s’agit pas, comme nous venons de le voir, d’un souci du détail pour le détail mais de la prise en compte de tout ce qui peut éclairer l’action collective au contact des contingences du réel.
C’est pour cette raison qu’il n’y aura pas de grand soir de la réforme du management mais simplement des veillées au plus près du travail réel grâce à la micrologie des faits managériaux.
Ces décideurs qui s’attaquent aux symptômes plutôt qu’aux problèmes réels! Une chronique sur Xerfi Canal
Pourquoi Aristote n’est sans doute pas étranger aux maux actuels du management ?
Concernant les actions qui engagent le corps notamment le travail, nous vivons sous un régime dont Aristote fut un des premiers théoriciens. Ce dernier a élaboré un distinguo fondamental entre ce qu’il appelle la poièsis et la praxis. La praxis (la « pratique ») n’aurait d’autre fin que le perfectionnement de l’agent. Quant à la poièsis (la « production »), elle aurait pour finalité une œuvre extérieure à l’agent notamment la production de biens et/ou de services. Concernant la poièsis, l’agent ne serait rien, l’œuvre extérieure serait tout.
Une telle dichotomie a eu et continue d’avoir des implications concrètes dans la société, en voici quelques exemples :
– Le dualisme travail-créateur et travail-corvée : du moment où poiesis et praxis sont distinguées de manière dichotomique, les implications sociales et concrètes ne se font pas attendre. Il y aurait d’une part le travail noble, qui ne vise que son propre exercice (une fin en soi), qui grandit son homme et le travail avilissant, la corvée (une activité professionnelle selon Dewey, définie unilatéralement, par des contraintes extérieures), un mal nécessaire, réservé jadis aux classes inférieures. D’ailleurs comme le note Dewey*, il fut un temps, médecin et chirurgien n’avaient pas plus de prestige que valet et barbier. Pour l’anecdote, en France, jusqu’au 16ème siècle, les barbiers pouvaient être chirurgiens, on parlait alors de barbiers-chirurgiens, ces derniers avaient moins de prestige que les médecins qui ne faisaient que des consultations.
De nos jours, nous pourrions dire que le travail-créateur concernerait à quelques exceptions près, ceux qui ont fait de leur passion un travail. Ce parti pris dualiste du travail sous-tend, concernant le travail-corvée, une conception essentiellement étriquée de l’activité, laquelle sera portée à son firmament par l’organisation scientifique du travail.
– L’organisation scientifique du travail comme Ultima Thulé du travail-corvée : Du moment où le travail-corvée se résume à la dimension technique de l’activité (donc une activité sans « Homme »), on peut en optimiser le rendement en séparant conception et exécution, en considérant les acteurs non plus comme des êtres sensitifs et sociaux mais comme des ressources et gérées comme telles. Dès lors, le plaisir dans le travail-corvée désormais entravé voire quasi impossible, les compensations sont à chercher dans le salaire, les congés payés et dans toute autre gratification extérieure au travail. Il n’est donc pas étonnant que le management moderne formalisé par des ingénieurs (Taylor et Fayol notamment) ait été la résultante de cette conception étriquée du travail et de l’homme au travail. On peut donc faire l’hypothèse que l’homme vu simplement comme une « ressource humaine » ainsi que les maux du management découlant d’une telle fiction soient une conséquence symbolique du dualisme praxis vs poièsis qui a essaimé dans les représentations que nous avons du travail.
– L’institutionnalisation du déni du travail réel: la dichotomie aristotélicienne entre la poièsis et la praxis entérine un déni du travail réel par l’amputation délibérée de l’homme au travail d’une partie de lui-même. Les sciences du travail nous apprennent pourtant que le travail est à la croisée de trois mondes : le monde objectif, le monde subjectif et le monde social. Réduire la poièsis à sa dimension instrumentale, c’est ainsi nier le rapport entre l’homme et son œuvre et entre l’homme et les autres. Toute action est action sur soi, action avec les autres, sur les autres et pour les autres. En effet, il n’y a pas de travail bien fait (Veblen va jusqu’à penser qu’il s’agit d’un instinct : « l’instinct du travail bien fait »), s’il n’y a pas une identification de l’homme à son œuvre, si ce dernier n’est pas capable de mettre du sien dans l’œuvre et dans le collectif. L’autonomie et la responsabilité doivent donc être recherchées non pas combattues, ce qui est souvent le cas aujourd’hui avec un management de plus en plus coercitif malgré l’humanisme verbal. Il est fort juste de dire comme Paul Valéry que l’augmentation des contrôles a pour effet la « dégénérescence du goût de la responsabilité ». Une telle déresponsabilisation transforme tout travail en labeur donc en corvée.
Il va sans dire qu’aujourd’hui, réformer le travail et le management, c’est dépasser la dichotomie travail-créateur vs travail-corvée. Nous avons construit le régime actuel du travail par le truchement de ce dualisme dont les conséquences sont loin d’être neutres pour nos sociétés. La mise en œuvre opérationnelle de cette vision dualiste du travail n’est certainement pas étrangère à l’accroissement de nos performances industrielles et commerciales, elle est indéniablement aussi le lit de Procuste de l’aménité, de la coopération et de la démocratie dans les relations sociales car travailler ce n’est pas juste produire, c’est aussi une certaine conception du vivre ensemble. Nous avons de fait sous-estimé la centralité du travail et donc les effets éducatifs du travail sur l’homme et sur la société en général comme le remarque Dewey* : c’est « une erreur historique » d’avoir pensé que l’école seule forge les habitudes et donc le caractère.
Le travail qui occupe la plus grande partie de notre vie, forge aussi le caractère et impacte positivement ou négativement la vie en société. C’est pourquoi la coopération dans le travail n’a pas juste pour finalité la performance soutenable de l’entreprise et la préservation de la santé des travailleurs, elle est aussi la brique nécessaire pour une société qui veut tendre vers une démocratie moins fantasmée et plus réelle. Il faut certainement être naïf pour penser qu’on peut, dans le travail, être indifférent à la vérité, à la souffrance d’autrui, aux arguments des autres, à la bienséance et en être sensible en société. Nous ne pouvons pas construire une société libre avec des moyens d’esclaves disait si justement Jacques Ellul. Il y a de fait une antinomique entre les aspirations démocratiques des nations et le féodalisme managérial.
*(cf. Emmanuel Renault : Le travail et ses problèmes. Biologie, sociologie et politique chez John Dewey, Editions Vrin)
L’allégorie de Nabilla ou la maladie des faits
En voyant sur Amazon le nombre de commentaires et les évaluations concernant un ouvrage de Paul Valéry intitulé « le bilan de l’intelligence », issu d’une conférence prononcée en 1935 et un ouvrage de Nabilla intitulé « Trop vite », on ne peut que sourire du « taux d’engagement » comme on dit aujourd’hui, relativement bas, en faveur de l’ouvrage de Paul Valéry (pour quelqu’un qui connaît ce dernier, bien sûr).
Néanmoins, j’ai voulu profiter de l’occasion pour illustrer ce que j’appelle « l’allégorie de Nabilla » ou la maladie des faits afin de mieux expliciter les limites d’un esprit ou d’un management uniquement rivé sur les faits et rien que les faits. S’appuyer uniquement sur les faits en faisant fi de la connaissance qui permet de leur donner du sens est aussi dangereux que de nier les faits car le glissement des faits aux opinions n’en est que plus redoutable! Le fameux « c’est factuel » est rarement suffisant pour saisir le sens des choses, pour s’approcher de la vérité et donc pour minimiser les risques de tomber dans l’erreur et dans l’illusion.
Voici le raisonnement qui semblant logique peut très vite dériver sur des opinions :
- Sur Amazon, le livre de Nabilla (Trop vite) est mieux noté que le livre de Paul Valéry (Le bilan de l’intelligence) : 4,4 contre 4,2.
- Il y a 386 personnes qui ont noté le livre de Nabilla et seulement 39 personnes le livre de Paul Valéry
- Le livre de Nabilla est donc plus « populaire » (sur Amazon) que le livre de Paul Valéry
- Le livre de Nabilla est donc plus « utile » que le livre de Paul Valéry
- Nabilla est donc plus « utile » que Paul Valéry
- Du moment où 386 personnes plébiscitent le livre de Nabilla et que 39 seulement le livre de Paul Valéry, Nabilla exprime plus « la vérité » que Paul Valéry
- Paul Valéry est donc moins « important » que Nabilla
- Nabilla est donc définitivement un personnage plus « important » que Paul Valéry.
Si nous nous arrêtons uniquement aux faits en faisant fi de l’histoire, du contexte, du contenu des livres, de la biographie des auteurs… grosso modo de toute la connaissance qui permet d’avoir une chance non négligeable d’avoir un jugement « correct », le raisonnement développé ci-dessus est factuel jusqu’au point 3 notamment. Puis l’opinion prend le dessus sur les faits.
Un tel glissement rapide des faits aux opinions aurait être minimisé par une mise en contexte des faits, antidote à la généralisation, à l’essentialisation, à l’extrapolation, à la minoration hasardeuses pour éviter de passer à côté de l’essentiel. Sans une telle mise en contexte, ce qui advient, très souvent, c’est le remplacement de la conception traditionnelle de la vérité (correspondance entre la pensée et la réalité) par ce que Robert Musil appelait des « prothèses de vérité ». Notre époque ne manque pas de « prothèses de vérité » : A la vérité-réussite et à la vérité-satisfaction dont parlait Bouveresse, on peut ajouter la vérité-utilité, la vérité-préférence, la vérité-sincérité… De telles « prothèses » cimentent in fine l’erreur et l’illusion, ce qui n’est jamais sans conséquence. « On ne cache pas le cadavre d’un éléphant sous les feuilles » dit un proverbe Beti.
En entreprise, la maladie du déni du réel se drape soit dans le déni des faits (très classique) mais aussi dans le fait de ne tenir compte, exclusivement, que des faits : notamment ce qui se voit, ce qui se constate, ce qui se mesure sans la nécessaire mise en contexte . Le culte des faits (et rien que des faits) sans ce qui permet de donner du sens aux faits c’est à dire la connaissance mène inexorablement toute organisation vers un lit d’absurdités qui, sans les conséquences concrètes sur la vie des gens et sur la performance à long terme de toute organisation, nous ferait, avec du recul, plus rire que pleurer. D’ailleurs, l’absurdité peut y être aussi spectaculaire que de comparer les productions intellectuelles de Nabilla et de Paul Valéry (exemples : prendre un indicateur pour un objectif; penser que le sens est dans les mots…) mais nous n’y prêtons pas (plus) attention car, quelque chose qui devient trop réel cesse, hélas, d’être un problème. Nous nous accoutumons très vite à la bêtise même lorsqu’elle est spectaculaire. L’Homme est ainsi fait.
L’antidote contre un esprit uniquement rivé sur les faits et qui pense que les faits se suffisent à eux mêmes, c’est le discernement qui ne s’acquiert que par la culture générale (qui n’est pas la documentation ou le savoir que détiendrait un fort en thème), c’est à dire toute connaissance qui permet de s’orienter dans la pensée et dans l’action par le truchement de l’imagination et de la sensibilité. D’ailleurs un curieux hasard fait que dans le livre de Paul Valéry dont il est question plus haut, ce dernier qualifie la sensibilité « de véritable puissance motrice » de l’intelligence mais nous alerte du risque de la voir s’altérer à cause d’une pléthore d’abus : « abus de vitesse, abus de lumière, abus de toniques, de stupéfiants, d’excitants… Abus de fréquence dans les impressions ; abus de diversité ; abus de résonance ; abus de facilités ; abus de merveilles ; abus de ces prodigieux moyens de déclenchement, par l’artifice desquels d’immenses effets sont mis sous le doigt d’un enfant ». Pour ainsi dire, l’abus de l’instant, le frère siamois de l’abus des faits, nous ronge comme la chenille ronge les feuilles d’une plante.
Vivre que des faits sans la connaissance qui permet de comprendre les faits, c’est sacrifier le sens des choses. Mr Gradgrind, un des personnages clés du livre de Charles Dickens, Les Temps difficiles, qui voulait bannir l’imagination de la pédagogie à l’école et réduire le monde aux seuls faits, l’a appris à ses dépens.
Enjamber le réel, c’est donc soit nier les faits, soit être trompé par les faits (basculer dans les opinions comme on le voit dans l’illustration ci-dessus) ou se tromper carrément de faits. C’est le drame actuel du management et osons le, de l’époque. Il en sera ainsi aussi longtemps que le culte exclusif des faits sans mise en contexte ne laissera pas de place au culte de la connaissance qui éclaire les faits. Ce n’est pas gagné car comme l’avait bien vu Edgar Quinet, « nous avons contracté un tel besoin de faux que nous voulons être trompés, même dans les choses qui n’ont de valeur que par leur véracité ». La déséducation actuelle à la réalité par l’abstraction et le formalisme, le culte sans la culture qui fertilise le discernement n’arrangent rien à l’affaire car Nabilla a raison, nous allons décidément « trop vite » en besogne alors que « le bilan de l’intelligence » autrement dit la réflexivité comme la pratique Paul Valéry, nécessite de perdre du temps pour mieux en gagner. George Bernard Shaw avait raison, il faut toujours « rester humble devant les faits, garder sa fierté devant les croyances ».
Intelligence collective ou intelligence du collectif : le diable n’est pas que dans les détails
Le fameux « doute linguistique » dont parlait Karl Kraus est de mise lorsqu’il s’agit de parler d’intelligence collective dans le cadre du travail. En effet, cette dernière, dans l’air du temps depuis de nombreuses années, me semble être plus une figure de style qu’une réalité objective et ce, pour plusieurs raisons :
- Si par intelligence nous entendons, sur des sujets divers et variés, la faculté permettant de comprendre, de concevoir, de raisonner (capacité à résoudre des problèmes (problem solving) mais surtout capacité à formuler des problèmes, à créer), seule une personne peut être intelligente car toute intelligence se fonde sur un esprit critique (« critique » dans le sens étymologique du terme c’est à dire la capacité à discerner) qui n’est présent que chez l’Homme pris dans sa singularité. En effet, comme le dit Monnerot, il n’existe pas d’esprit critique collectif. A l’instar de la liberté qui n’est que dans les sujets, jamais dans les mots comme l’a merveilleusement analysé Bernard Charbonneau (dans son essai sur la liberté intitulé « Je fus »), l’esprit critique ne peut qu’être individuel, jamais dans les circonstances ou dans les conditions extérieures.
- Des individus dits intelligents qui travaillent ensemble ne forment pas une « intelligence collective » mais une concaténation d’intelligences multiples. Ces derniers sont, volens nolens, pris dans un système de relations et donc de pouvoirs avec la domination symbolique des uns sur les autres, les phénomènes de « contagion mentale » ou de conformisme par stratégie d’acteur. C’est donc un abus de langage que de parler d’une intelligence collective même si les acteurs sont intelligents.
- Le collectif ne peut être fécond (production de meilleure qualité que la production de chacun prise séparément) que lorsque sa composition prend en compte la diversité des perceptions (cf. les travaux de Scott Page), les respecte et leur donne les conditions adéquates d’expression (bien que jamais parfaites) quelles que soient les qualités intrinsèques des uns et des autres. Un tel travail se fait par le truchement de ce qu’on appelle la coopération. La coopération, c’est la coordination des perceptions, des différences, des points de vue et donc des intelligences. Comme le mettent en exergue les cliniciens du travail entre autres, la coopération suppose la confiance et des accords autour des règles de travail et de vie. De fait, la coopération n’est pas une qualité individuelle mais un construit social extrêmement exigeant et fragile. Le degré de coopération et la qualité de cette dernière déterminent la qualité des résultats obtenus par le collectif. Par ailleurs, la coopération doit être entretenue car les conditions qui la sous-tendent sont de facto impactées par la vie du collectif (départs, arrivées de nouvelles personnes, conflits, apprentissage face à un problème nouveau etc.). Ainsi, lorsque le collectif existe et coopère, la qualité de la production n’est jamais linéaire. Difficile dans ces conditions de parler d’intelligence collective au sens stricto sensu.
- Si la notion d’intelligence collective exprime une réalité, c’est bien celle du mythe du travail exact. Un tel mythe suppose la possibilité de faire émerger une intelligence supérieure permettant de répondre totalement à des problèmes totaux (attitude très héroïque voire prophétique). C’est une vue de l’esprit car même dans un régime de coopération, ce qui suppose de dépasser le stade de la coactivité et de la collaboration, celui-ci n’est jamais parfait et son résultat n’est jamais définitif, il y a toujours des « clauses » de revoyure du fait de l’indétermination de la vie à qui revient toujours le dernier mot.
Pour finir, on peut dire qu’il y a un certain paradoxe dans le fait que n’avons jamais autant parlé d’intelligence collective alors que les rapports de travail sont de plus en plus individualisés (le fameux traitantisme) au point de faire de la coopération une qualité intrinsèque des individus dans certains discours et écrits . L’intelligence collective ne serait-elle pas un des nombreux arbres qui cachent la foret du travail ? Une telle question est légitime. En effet, dans le travail, la condition sine qua non d’une intelligence transpersonnelle, c’est l’existence d’un collectif de travail (à noter que le travail collectif ne fait pas le collectif de travail), lequel ne se décrète pas et se réinterroge aussi souvent que nécessaire.
Si nous tenons toujours à accoler « intelligence » et « collectif », nous devons plus parler d’une intelligence du collectif que d’une intelligence collective. L’intelligence du collectif est toujours conditionnelle, précaire, et heureusement car c’est le dialogue raisonné avec le réel et avec les autres qui fait l’intérêt et le plaisir que nous pouvons trouver dans un travail. Toute l’intelligence, dans cette optique, doit consister à travailler pour faire advenir un collectif, au-delà et contre les postures héroïques. Sans un tel travail, le délire collectif lui, n’est jamais loin, car nous le savons, la nature a horreur du vide.
Article dans le magazine « Stratégies »
DES SOFT SKILLS DE PLUS EN PLUS CONTESTÉES
06/12/2022 – par Murielle Wolski
Portées aux nues depuis plusieurs années, les soft skills sont de plus en plus souvent sujettes aux critiques. Simple mise en perspective ? Ou remise en question d’une approche managériale ?
Intitulée « Le délire collectif des soft skills », la vidéo d’Ibrahima Fall, docteur en gestion, a fait un tabac. « D’ordinaire, les interviews tournent autour des 20 000 à 25 000 vues, explique Priscilla Dusart, manager de la communication de Xerfi, institut d’études privé. En moins de trois semaines, il en a fait 42 500. » Serait-ce le premier signe du lézardage d’un discours bien rodé derrière lequel toutes les entreprises s’engouffrent tête baissée, sans plus de réflexion ? Que sont les soft skills, selon Ibrahima Fall ? « Une bouée de sauvetage, répond-il. Le management a pour ambition d’aider les entreprises à maîtriser l’incertitude. Et les compétences…….
Sans réarmement théorique, l’échec guette tout projet véritable de transformation des entreprises
Dans le monde de l’entreprise, la connaissance dite théorique (comprenez, de nos jours, les productions des sciences humaines et sociales non transformables en objets (outils ou « langages de machine ») n’a plus bonne presse. D’ailleurs avec le développement du financement privé ou public par projet et l’exigence d’un retour sur investissement calculable à priori, certaines disciplines sont désormais sinistrées et dans certains pays, la fermeture de départements de philosophie, de sociologie, de lettres… perçus comme non rentables, n’est plus tabou. Ainsi, Le journal Libération, en avril 2019, fait état d’un tweet du président brésilien, Jair Bolsonaro, dans lequel il demande que « le ministre de l’Education étudie la décentralisation de l’investissement dans les facultés de philosophie et de sociologie » en précisant que « les étudiants déjà inscrits ne seront pas affectés » et que « l’objectif est de se concentrer dans les domaines qui génèrent une retombée immédiate pour le contribuable : vétérinaire, ingénierie, médecine ». En France, l’ancien vice-président délégué à la recherche à l’université de Strasbourg, Jay Rowell révèle, dans une étude publiée en septembre 2022 sur sa propre université, la « marginalisation » des sciences humaines et sociales au profit des sciences naturelles comme étant une des conséquences de la loi d’autonomie des universités en 2008.
En entreprise, accuser quelqu’un d’être « théorique » c’est-à-dire l’homme qui préfère Paul Valéry à Michael Porter, l’homme qui ne s’inscrit pas totalement dans la logique problème/solution, l’homme qui demande du temps pour réfléchir, l’homme qui dit « ça dépend », l’homme qui hésite, l’homme qui est lent…, c’est prononcer à son encontre une peine de mort sociale symbolique. Le dit « théorique », est devenu un exilé de l’intérieur, un homo sacer moderne, car il ne « sert à rien », fait perdre du temps et donc de l’argent selon l’expression consacrée nonobstant le « caractère essentiel de l’inutile » dont parlait Walter Benjamin. Dans le monde des pragmatiques, des « problem solvers », « l’inutile » est un renégat et si par malchance, il a de plus des idées personnelles, il devient ipso facto un dissident. Pour reprendre, en substance, la célèbre formule de Renan, on peut dire, il n’a jamais été aussi dangereux de savoir trop tôt. L’homo faber se retournerait-il contre l’Homme ?
Le théoricien n’a pas toujours eu mauvaise presse
Ainsi, comme le notait à juste titre Guillaume Guindey, un « théoricien », inspecteur des finances, ayant suivi dans sa jeunesse les cours du philosophe Alain et qui fut chargé de restaurer la crédibilité financière de la France à l’international après la seconde guerre mondiale par le général De Gaulle (un autre « théoricien » qui en 1963 a fait partie des lauréats potentiels du prix Nobel de littérature), « l’homo faber est tourné vers le monde extérieur, principalement vers le monde inanimé. Quand il se tourne du côté des vivants, il tend, pour les appréhender, à leur appliquer les méthodes d’analyse qui lui réussissent si bien à l’égard des objets inanimés ».
L’homo faber en entreprise fabrique ainsi son propre malheur car il lui manque les concepts et les théories pour comprendre le travail réel, pour appréhender les dynamiques qui se construisent avec lui et autour de lui, pour connaitre sa propre ignorance qui reste la meilleure part de la connaissance comme le dit Simone Weil. Il oublie d’ailleurs que nos objets notamment les outils concrets ou abstraits sont des pharmakon (remède et poison à la fois). S’ils nous permettent d’agir efficacement dans un univers relativement maitrisé (univers passablement modélisable, prédictibilité possible de certains événements…), dans un univers complexe ne permettant pas la répétabilité, échappant au moins en partie à une rationalisation à priori et à des modes opératoires (notamment les contextes de transformation au long court, avec des enjeux technologiques, des enjeux de développement durable, des enjeux sociaux et sociétaux), ils peuvent fondamentalement simplifier, altérer ou nous cacher une partie du réel mais aussi une partie du jugement que nous pouvons avoir sur le réel. Ainsi, déifier de tels objets comme c’est souvent le cas en entreprise, c’est prendre le risque, d’une part, d’ostraciser tout savoir, toute connaissance qui ne se transforme en « objet gérable » ou en « langage de machine », et d’autre part, altérer notre capacité à faire des jugements corrects sur les situations. Ce que confirme le sociologue Bernard Conein : « les objets sont susceptibles d’être des supports pour nos jugements sur l’action, tant au moment de l’exécution qu’à celui de l’évaluation des résultats ».
Comprendre le travail réel et assurer la soutenabilité de l’action collective nécessitent bien sûr de l’humilité car travailler, ce n’est pas juste résoudre des problèmes, un voile mystérieux entoure toujours cette activité humaine fondamentale malgré les progrès gigantesques des sciences du travail. Cela nécessite surtout des concepts et des théories pour appréhender et apprécier les interstices et les espaces cachés aux confluences des mondes physique, subjectif et social lesquels entretiennent des relations dialogiques dans toute activité humaine.
Face au nihilisme des faits et aux marchands de sommeil conceptuel, le réarmement théorique est une nécessité
Il est donc nécessaire, pour tout intervenant en entreprise (travailleur au plus près du terrain, manager, consultant, chercheur) de trouver le passage du simple au complexe en ayant un « regard de mécanicien » et une « vision d’architecte » comme nous y enjoint Guindey. Ainsi, volens nolens, sans théorie, comprendre la pratique et la rendre soutenable devient difficile voire impossible et pratiquer sans théorie, c’est investir inexorablement dans la déception. Il n’y a donc rien de plus pratique qu’une bonne théorie et bien souvent, une mauvaise pratique n’est que la victime d’une mauvaise théorie.
En cherchant par tous les moyens des connaissances actionnables ici et maintenant par l’intermédiaire d’outils ou de langages techniques et en éliminant toutes les autres formes de connaissances, nous travaillons à l’effondrement de la capacité de penser en construisant un boulevard au nihilisme des faits, aux convictions obligatoires du moment, à la crédulité, aux innovateurs linguistiques, aux marchands de sommeil conceptuel, aux enjambeurs (du réel) et autres mystificateurs de tout poil. Ce qu’on n’appréhende pas, n’existe point pour l’esprit. Le manque de jugement est donc un déficit de concepts et de théories pour apprécier « correctement » le réel. Ce manque de jugement traverse d’ailleurs les frontières de l’entreprise et a envahi la société toute entière avec, notamment, des phénomènes comme le complotisme.
Il n’est donc pas étonnant aujourd’hui, que dans le champ du management et de la gestion des entreprises, le crime qui ne fait pas partie du code pénal de la raison soit le crime contre la logique et contre l’esprit en général. Ainsi, paradoxalement, nous n’avons jamais eu autant de livres sur le management, d’écoles de management (même les IAE sont devenus des schools of management), d’experts en management, de gourous du management, de coachs en management, d’étudiants qui choisissent la filière management, de cours de management dans les écoles spécialisées (Sciences Po, ENA,…), de cabinets de conseil en management, de modes managériaux et curieusement les maux du travail (bore-out, burn-out, stress chronique, fatigue compassionnelle voire suicides) et le désengagement des salariés n’ont jamais été aussi importants. En outre, malgré cet écosystème managérial fécond (experts, corpus, outils…), selon les études (Forrester, Gartner…) entre 60 et 80 % des projets de transformation digitale sont des échecs c’est-à-dire que les résultats opérationnels escomptés ne sont pas atteints. Pas besoin d’être un grand logicien pour se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond dans le royaume du management.
C’est pourquoi lutter contre le savoir managérial stérilement fécond, contre la cécité au réel, c’est investir dans la théorie car nous ne souffrons pas de trop de théorie mais d’un manque de théorie pour comprendre et accompagner les transformations d’une entreprise devenue politique. En effet, si manager c’est travailler le divers (des réalités diverses allant dans des directions opposées), le divers n’a été jamais aussi complexe : efficacité à court terme vs soutenabilité, citoyen vs consommateur, cœur vs raison, intuition vs pensée, préservation de l’environnement vs croissance etc. Aucune recette n’a de prise sur une telle complexité et aucune discipline seule ne peut la pénétrer.
Pas de transformation véritable sans ressources intellectuelles
Ce n’est qu’en investissant dans la théorie pour comprendre au mieux le réel, pour penser le pire afin de l’écarter que nous pourrons faire émerger la force intellectuelle nécessaire pour accompagner les grandes transformations du moment.
Une telle force intellectuelle sera un antidote aux vices du langage en instaurant le fameux doute linguistique dont parlait Karl Kraus c’est-à-dire « apprendre à voir des abîmes là où sont des lieux communs ». Cela passera par la promotion d’un langage clair, précis et exact, le contraire de la phraséologie managériale actuelle. Nous disposerons ainsi de la rigueur intellectuelle nécessaire pour lutter contre « l’impolitesse de la pensée » c’est-à-dire contre le non-respect des faits, les crimes contre le raisonnement et la logique, les crimes contre l’esprit en général. Nous pourrons ainsi sortir du culte de la compétence totale car aucune compétence ne permet d’être « compétent » dans le temps et dans l’espace car elle n’est synonyme que d’adaptation à une tâche alors que pour faire face au réel, il est souvent nécessaire de questionner et de dépasser la tâche. Nous aurons dès lors, l’ensemble des conditions nécessaires à la réflexivité par rapport à nos pratiques pour aller au-delà du problem solving car comme le dit Valéry, et je pense que l’entreprise n’y échappe pas, « les petits faits inexpliqués contiennent toujours de quoi renverser toutes les explications des grands faits ».
Nous pouvons dire pour conclure que l’homo faber a engendré un management de philistin, ironie de l’histoire, seule la théorie pourra sauver le philistin si vous ne voulons pas, comme l’avait bien vu Karl Kraus, subordonner définitivement les raisons de vivre aux moyens de vivre.
Soft skills : l’impasse logique et épistémique des marchands de sommeil conceptuel
Beaucoup de choses sont dites sur les soft skills.
Essayons donc de « nettoyer la situation verbale »:
Si par hard skill nous entendons toute compétence directement liée au métier ou à la maîtrise d’un objet technique nécessaire au métier et les soft skill toutes les compétences non liées directement au métier et à la maîtrise des objets techniques du métier, dans la vraie vie, faire le distinguo entre la « soft skill » et le « hard skill » est une vue de l’esprit.
La « soft skill » n’existe qu’à partir du hard skill et vice versa. Si la communication est une soft skill, bien communiquer, c’est toujours communiquer sur quelque chose. Bien communiquer ne suffit pas pour communiquer correctement sur un sujet.
Il n’y a donc pas de différence radicale, dichotomique, entre les dites « soft-skills » et les « hard skills » mais une continuité donc difficile de distinguer ce qui relève des soft-skills et ce qui relève des hard skills.
Par ailleurs, ce qui est considéré comme une « soft skill » pour un métier donné peut être un hard skill pour un autre métier. Partant de la logique « soft skilliste », on peut dire que la communication est un hard skill pour un journaliste et une soft skill pour un cordonnier ou un menuisier. Dans ce cas, ceux qui vendent des « soft skills » sont de fait des vendeurs de « hard skills » ? Cela ne me semble pas être très sensé.
L’approche solutionniste des soft skills est une impasse logique et épistémique sans même que les dynamiques sociales aient été mises dans l’équation.