Pourquoi la subsidiarité (décentralisation des pouvoirs de décision) est souvent un vœu pieux en contexte français ?
Voici l’analyse de Octave Gelinier, ancien président de la Cegos, dans son ouvrage « Le secret des structures compétitives : management ou bureaucratie » publié en 1966 et dans le quel il introduisit le premier le mot « management » en France.
Gelinier anticipait déjà le fait que le management se heurterait à la forte tendance française à la centralisation, antinomique avec la « bonne gestion ».
Décoiffant !
Extraits :
« Pour comprendre la physiologie des structures bureaucratiques de type français, il faut remonter au but que servaient les premières administrations. Ce but n’était aucunement économique, mais politique. Il était de transmettre en tous lieux les ordres du monarque, fidèlement et sans distorsion; de rapporter les informations locales; et de rester sous le contrôle absolu du chef….
…L’erreur de Colbert et de ces successeurs fut d’utiliser le même schéma de fonctionnement à la gestion d’activités économiques : d’appliquer à la gestion d’une manufacture la physiologie d’un corps de police »…
« Dans les structures bureaucratiques (à la Française), les décisions importantes (fixant l’organigramme, les règlements, l’orientation des activités, les investissements, les innovations, etc..) » sont « hyper-centralisées et confiées à des organes lointains situés à l’extérieur de la structure elle-même. Il s’agit d’une caractéristique générale : la séparation entre la machine et l’appareil….
Le microcosme de l’appareil confisque les pouvoirs de décisions pour garder le contrôle total sur la machine bureaucratique… Dans les entreprises bureaucratisées, l’appareil se réduit parfois à un seul homme qui confisque tous les pouvoirs…
…Pour les membres de l’appareil, l’inefficacité a pour cause la stupidité de la machine et la sclérose de son encadrement. Pour les cadres mandarins de la machine l’inefficacité provient évidement des décisions erronées prises par un appareil incompétent et loin des faits…
…Le système bureaucratique qui permet au microcosme de l’appareil de téléguider des puissantes machines aux ramifications multiples, est l’instrument naturel du pouvoir absolu. Pratiqué par tous les dictateurs, il a été établi en France par les dictateurs qu’étaient Louis XIV et Napoléon 1er. Et il est entretenu par tous les petits seigneurs qui veulent avoir la machine « à leur botte ». Comme nous l’avons vu, c’est un instrument d’action politique, que l’on a tenté d’adapter à la gestion économique ».
On comprend mieux avec cet éclairage de Gelinier, pourquoi il est si difficile de transformer, en France, les organisations vers plus de subsidiarité. Les causes semblent venir de loin et sont ancrées dans la culture nationale!