Dans un article du Figaro daté d’aujourd’hui (07/01/2022) et reprenant une dépêche de l’AFP, le pape François invite les chefs d’entreprises (par le truchement d’une délégation de chefs d’entreprises françaises venue lui rendre visite) à être « proches de leurs collaborateurs » malgré les « contraintes du système économique et financier ».
Pour le pape, « le bien commun (…) peut se confronter aux contraintes » imposées par « les systèmes économiques et financiers, qui, souvent, se moquent des principes évangéliques de la justice sociale et de la charité ». Il a exhorté les chefs d’entreprises à s’intéresser à la vie de leurs collaborateurs, à « avoir conscience de leurs difficultés, de leurs peines, de leurs inquiétudes… à considérer avec sérieux la place accordée à toutes les personnes de leur entreprise, y compris celles dont les tâches pourraient sembler être de moindre importance ».
Le pape ne s’arrête pas là, il donne des exemples d’orientations qui pourraient guider ces transformations : « développement durable, le partage des profits, la gestion du succès et des ressources du chef d’entreprise, la distribution des richesses, le don, les actions au service des autres… ». Il ose même une analogie avec le berger pour définir le « bon manager » en le voyant comme celui-ci qui est « capable de montrer le chemin » mais aussi de « rester derrière le troupeau pour voir si personne n’est laissé pour compte ».
On savait déjà que le management dépassait de loin les frontières de l’entreprise car c’est un fait social qui a des ramifications sociétales mais aussi politiques.
Avec ces paroles du pape François, le religieux s’invite dans un débat de civilisation. Sa contribution n’est pas moins légitime que toute autre contribution car toute technique (y compris le management), est un « acte traditionnel efficace » (Mauss) c’est à dire qu’elle s’encastre dans une société et dans une tradition.
Néanmoins, l’analogie du berger utilisée par le pape nous montre, à quel point, il est difficile de reformer le management sans réinterroger les représentations. Le berger, même s’il reste derrière le troupeau pour voir si personne n’est laissé pour compte (pour reprendre les mots du pape), reste un berger. Le traitement pastoral de l’Homme n’est ni neutre ni indépassable. En effet, André-Georges Haudricourt, célèbre ethnobotaniste lui oppose un autre modèle : le traitement horticole de l’Homme: l’éleveur mène son troupeau de moutons, souvent, en usant de la force (le bâton, les chiens) tandis que le jardinier cultive les plantes, fertilise la terre, irrigue ; il n’impose pas de voie de développement mais se contente de contrer certaines voies. Reformer le management, c’est peut-être envisager la voie (mais aussi la voix) horticole.