Quand l’afrique voyait dès 1984, la nécessité d’une souveraineté managériale!

Voici un ouvrage pionnier, publié en 1984 par un ivoirien, Henri Bourgoin, à l’époque directeur général de l’office national de formation professionnelle de Côte d’Ivoire, pour mettre en exergue l’incurie consistant à appliquer des « recettes » managériales qui viennent d’autres cultures sans esprit de discernement.

Bourgoin a compris, il y a plus de 40 ans, une chose fondamentale dans la vie des entreprises : il n’y a pas de performance à la fois soutenable et productrice de santé sans ce que j’appelle la souveraineté managériale. Un français, un américain, un ivoirien ne conçoivent pas le travail de la même manière et par voie de conséquence, ils ne peuvent pas être managés de la même manière. C’est un truisme de le dire. Simone Weil, la philosophe, parlait de la compréhension difficile des choses évidentes, elle avait bien raison.

Ce passage de l’ouvrage est donc à méditer :

« Je prétends que nos étudiants qui apprennent en Europe, aux États-Unis et même chez nous en Afrique, dans nos écoles supérieures de commerce, les théories occidentales de management, et veulent les mettre en pratique, sont devenus aliénés: en un mot, ils ne mesurent pas qu’ils ont été manipulés, à leur corps défendant, bien sûr, et même à l’insu des enseignants. Leur méconnaissance ou leur oubli de nos propres motivations, de nos types d’organisation et du style de commandement approprié à nos populations, les abusent au point de les convaicre que les modèles importés sont les plus efficaces chez nous ».

Étant donné que ce qu’il appelle « théories occidentales » ne sont bien souvent que des « théories américaines », un français, un espagnol, un belge aurait pu écrire ces mêmes lignes pour parler de l’importance de sa souveraineté managériale.
En France, les colporteurs du management selon l’expression consacrée par Yves Nicolas, ces 3000 francais qui entre 1949 et 1953 étaient partis étudier les causes de la prospérité américaine, nous avaient prévenu de l’intérêt d’adopter le « management » si et seulement si nous l’encastrons dans le contexte culturel français. Ont-ils été entendu ? Rien n’est moins sûr!

Contrairement aux idées reçues, la littérature, ça paye même pour les managers, en régime de croisière comme en période de transformation. Nous n’avons jamais eu autant besoin de littérature pour commercer véritablement avec le réel dans les organisations et ainsi réussir les transformations tant désirées. L’aveuglement technologique actuel nous fait perdre de vue l’enjeu du siècle qui n’est pas que technique (si c’était le cas, nous n’aurions pas autant de transformations qui échouent), il est surtout humain et social car comme l’avait bien vu Gaston Berger, « tout commence par la poésie, rien ne se fait sans la technique. Mais il faut que la poésie soit partout si présente que l’apprentissage des mécanismes ne tarisse pas la source vive de la création ». « Ne pas tarir la source vive de la création » pour utiliser les technologies de manière efficace et soutenable, être capable de développer la sensibilité et l’imagination des managers au service du jugement correct sont désormais les aptitudes qui feront la différence entre les professionnels et entre les organisations, qu’elles soient privées ou publiques. Nos organisations sont-elles prêtes pour ce renversement ? C’est l’objet de ma dernière vidéo sur Xerfi Canal

Les tensions géopolitiques actuelles avec le retour de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis remettent en selle la nécessité d’une souveraineté économique pour ne pas être vassalisé par ce grand pays ou un autre. Une telle souveraineté, fruit d’un travail difficile et de longue haleine, n’est pas possible sans une certaine souveraineté managériale c’est à dire un alignement entre les manières de travailler, de manager le travail et les aspirations et traits culturels de ses citoyens. C’est la seule voie pour un effort durable, producteur de performance dans le temps et dans l’espace, d’engagement et de santé dans un monde bousculé, plus que jamais, par l’intelligence de rapt. C’est l’objet de ma dernière video sur Xerfi Canal

Les dirigeants, les managers, les hommes politiques qui promettent la « transformation » ne récoltent souvent que le « changement » et donc la déception. Comment expliquer ce phénomène ? Je le fais par le truchement d’une fable, la fable de Za et Zé. La force d’une fable réside dans sa capacité à la fois à faire économiser des mots et à dépeindre des réalités complexes par le truchement d’images qui questionnent la réalité. Quoi de mieux donc qu’une fable pour illustrer l’erreur fatale consistant à prendre le changement pour la transformation. C’est l’objet de ma dernière vidéo sur Xerfi Canal.

En entreprise, accuser quelqu’un d’être « théorique », c’est prononcer à son encontre une peine de mort sociale symbolique. Cruel paradoxe ! En effet, pour un manager, détester tout ce qui peut sembler théorique, c’est comme un médecin qui détesterait la biologie humaine. Nul doute qu’un tel médecin puisse être un piètre médecin. Nul doute également qu’un manager « théoriphobe » et/ou philistin crée plus de chaleur que de valeur, plus de méfaits que de bienfaits, pour le collectif, dans le temps long. C’est l’objet de ma dernière vidéo sur Xerfi Canal